Affaire Valbuena : la loyauté de la preuve

Principe – La liberté de la preuve

Le principe de liberté de la preuve est prévu à l’article 427 du Code de procédure pénale : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve« .

Le juge d’instruction, le Procureur de la République et les membres de la police judiciaire ont en effet le pouvoir de procéder ou de faire procéder à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité.

Mais ce principe de liberté de la preuve doit notamment se concilier avec le principe de loyauté de la preuve

Limite – La loyauté de la preuve

Loyauté de la preuve et l'affaire valbuena : les provocations policières

Même si il ne figure pas dans l’énumération des garanties de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, le principe de loyauté de la preuve est ancien : il a été affirmé pour la première fois dans les arrêts WILSON (Chambres Réunies, 31 janvier 1888) et IMBERT (Cass.crim., 12 juin 1952). Il est défini, comme « une manière d’être dans la recherche des preuves, conforme au respect des droits de l’individu et à la dignité de la justice » (Pierre Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves »).

Mais attention, si la loyauté de la preuve constitue un principe absolu concernant les autorités publiques (Cass.Ass.plén., 15 novembre 2017), il ne s’applique pas aux particuliers (Cass.crim., 11 juin 2002). Seules les autorités publiques chargées des poursuites et de l’instruction (membres de la police judiciaire ou magistrats) doivent recueillir les preuves de manière loyale.

Le principe de loyauté interdit donc d’utiliser des preuves obtenues par des procédés déloyaux. Des stratagèmes peuvent certes être mis en place par des policiers, mais ce principe vise à sanctionner tout détournement ou tout contournement de procédure et toute provocation à l’infraction.

À ce propos, en matière de provocation policière, il convient de distinguer :

  • les provocations à la commission d’une infraction = interdites (Cass.crim., 11 mai 2006)

Il s’agit de se demander si le stratagème mis en place par une autorité publique a conduit à provoquer la commission de l’infraction ? Si oui, il est déloyal.

Ici, c’est dire que l’intervention policière a été déterminante du passage à l’acte de l’auteur. L’infraction n’aurait pas été commise si les policiers n’étaient pas intervenus : ils ont inciter un individu à commettre l’infraction pour ensuite la lui reprocher.

  • les provocations à la constatation de la preuve d’une infraction = admises (Cass. crim., 8 juin 2005)

Il s’agit de se demander ici si le stratagème mis en place par les autorités publiques a simplement conduit à provoquer la constatation de la preuve d’une infraction ? Si oui, il est loyal.

L’intervention policière n’a ici pas été déterminante du passage à l’acte. Le comportement policier a seulement permis de constater une infraction préexistante. Autrement dit, les policiers ont agi « dans un contexte préexistant » d’infraction. Leur stratagème a simplement fait apparaître la preuve d’une infraction qui se serait dans tous les cas commise indépendamment de la provocation policière.

Illustration avec l’affaire Valbuena : arrêt rendu le 9 décembre 2019 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation

En l’espèce, un justiciable prétendait être victime d’une tentative de chantage. Une personne lui avait en effet affirmer détenir un enregistrement audiovisuel à caractère sexuel dans lequel il apparaissait.

Une enquête avait été ouverte et révéla que le procureur de la République avait autorisé un officier de police judiciaire (OPJ), en utilisant d’un pseudonyme, à faire des négocations téléphoniques avec l’intermédiaire des malfaiteurs. Grâce à l’enregistrement de ces échanges, les individus avaient pu être mis en examen du chef de chantage et association de malfaiteurs, tentative de chantage en récidive et association de malfaiteurs, complicité de tentative de chantage et complicité de tentative de chantage en état de récidive légale.

Dans un premier temps, le chambre de l’instruction estime que l’OPJ a provoqué l’infraction. Elle rend donc un arrêt tendant à l’annulation de la procédure.

Mais la Cour de cassation casse et annule cet arrêt (Cass.crim., 11 juillet 2017).

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, saisie sur renvoi, estime qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’annulation de la procédure.

Des pourvois en cassation sont alors formés sur la base de la violation du principe de loyauté des preuves et du droit à un procès équitable.

L’Assemblée plénière rejette les pourvois. Elle estime que le policier infiltré n’a pas provoqué l’infraction dans la mesure où celle-ci existait déjà. Ainsi, le policier s’est simplement inséré dans un « processus infractionnel préexistant » : le chantage. Il a simplement utilisé un procédé légal d’obtention de la preuve pour caractériser l’infraction et en identifier les auteurs.